À moins de deux semaines du coup d’envoi de la nouvelle saison de Jupiler Pro League, un flou inédit entoure la diffusion des matchs. Pour la première fois depuis des années, le football belge pourrait ne pas être visible à la télévision traditionnelle. Une réalité difficile à avaler pour des milliers de supporters habitués à suivre leurs équipes depuis leur salon.
À l’origine de ce blocage : l’accord signé entre la Pro League et DAZN, nouvelle détentrice des droits de diffusion après le rachat d’Eleven Sports. Le contrat, d’une valeur de 84 millions d’euros sur cinq ans, assure à DAZN une exclusivité complète. Mais son modèle économique repose aussi sur un relais via les grands opérateurs télécoms, Proximus, Telenet, VOO/Orange. Des négociations ont eu lieu, mais elles patinent. DAZN demande un tarif élevé et exige même une position privilégiée de son application sur les décodeurs. Les opérateurs, eux, freinent. Le résultat ? Aucun accord à l’horizon.
Conséquence directe : les matchs de la Supercoupe et du début de championnat ne seront visibles que via l’application DAZN. Pour en profiter, il faudra souscrire un abonnement numérique, avec une réduction temporaire proposée jusqu’au 31 août. Mais ce modèle n’est pas accessible à tous.
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Plus qu'un conflit commercial, un recul culturelLe visionnage via smartphone, tablette ou smart TV exige une certaine aisance numérique, une bonne connexion, et surtout l’acceptation de délais ou bugs techniques. Cela exclut une partie du public traditionnel, notamment les supporters plus âgés ou moins équipés. En outre, le forfait sportif proposé jusqu’ici par les opérateurs ne permet plus d’accéder au contenu, ce qui rend tout engagement auprès d’eux prématuré.
Au-delà du simple bras de fer commercial, ce blocage illustre une évolution plus profonde du rapport entre le football belge et son public. La suppression des résumés hebdomadaires, l’arrêt des talk-shows traditionnels et l’absence de diffusion libre affaiblissent la présence du football dans l’espace public. Le ballon continue de rouler, mais l’image, elle, s’éteint peu à peu.
La Pro League espère sans doute conquérir un public plus jeune et connecté grâce à DAZN. Mais elle risque aussi de se couper de sa base historique. Le stade virtuel se remplit, mais le stade populaire se vide.
Des discussions toujours ouvertes, mais incertaines
Les négociations entre DAZN et les opérateurs ne sont pas rompues. Lors du précédent cycle médiatique, un accord avait fini par être trouvé… alors que la saison avait déjà commencé. Un scénario similaire n’est pas à exclure. Telenet et Proximus ont d’ailleurs déjà baissé le prix de leurs forfaits sportifs, signe que rien n’est totalement figé.
Mais une chose est sûre : en l’état, les supporters belges sont les grands perdants. Prisonnier d’un système qui lui échappe, il est contraint de choisir entre payer plus ou rater le spectacle. Un paradoxe de taille pour un sport qui se veut populaire. La saison commence… mais pas pour tout le monde.
Salomon AGADA