Cela fait exactement un an qu’Olivier Renard a pris les commandes sportives du RSC Anderlecht. L’ancien directeur sportif du Standard et du CF Montréal est arrivé à Neerpede avec la promesse d’un renouveau ambitieux : relancer le prestige des Mauves, moderniser la politique de recrutement et redonner au club une identité forte, à la fois compétitive et durable. Douze mois plus tard, l’heure est au bilan. Et celui-ci, malgré quelques réussites isolées, n’a rien de triomphal.
Depuis son arrivée, Olivier Renard n’a pas chômé. En deux périodes de transferts, plus de 29 millions d’euros ont été dépensés pour renforcer l’équipe première et le RSCA Futures. Des sommes considérables à l’échelle du club, qui rompent avec les années de prudence financière. Mais sur le terrain, les effets de ce grand chantier tardent à se faire sentir.
Lucas Hey, le Danois recruté pour 3 millions d’euros, s’est imposé comme titulaire. Solide mais pas toujours rassurant, il symbolise ce que beaucoup reprochent à la politique actuelle : de la stabilité, mais peu de coups d’éclat. Huerta, arrivé avec un statut de renfort offensif majeur, n’a pas tenu ses promesses. Avec 4 buts et 3 passes décisives en 32 matchs, le Mexicain peine à justifier l’investissement consenti. Quant à Adryelson, arrivé en prêt, son passage aura tourné court : un flop que même le staff reconnaît.
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Aucun jeune transféré n'a encore le niveauCet été, Renard a de nouveau frappé fort, misant sur la jeunesse : Cédric Hatenboer (2,1 M€), Mihajlo Cvetkovic (3,2 M€), Mihajlo Ilic (prêt), Yasin Özcan (1,3 M€, prêt) et Zoumana Keita (500 000 €). Aucun n’a encore le niveau pour prétendre à une place de titulaire. Cvetkovic a même été aligné par défaut, faute d’un vrai remplaçant à Kasper Dolberg. Le constat est clair : la quantité a pris le pas sur la qualité immédiatement disponible.
« Nous sommes convaincus que certains d'entre eux connaîtront une belle carrière, mais il n'était pas nécessaire de recruter autant de jeunes talents d'un coup », glisse un proche du vestiaire. En privilégiant la promesse à long terme, Renard semble avoir négligé la performance immédiate, indispensable à un club censé rejouer les premiers rôles en Pro League.
Les deux transferts phares de l’ère Renard sont Adriano Bertaccini (5,5 M€) et Ilay Camara (4,5 M€). Deux joueurs talentueux, mais tous deux stoppés net par des blessures. Bertaccini, attaquant complet mais difficile à associer à un avant-centre axial, devra sans doute dépanner seul en pointe, un poste qui n’est pas le sien.
Camara sauvé par sa polyvalence
Camara, lui, a été recruté pour jouer latéral gauche, une position pourtant déjà bien fournie avec Augustinsson, N’Diaye et Maamar. Son profil polyvalent a sauvé la logique du transfert, mais il n’a pas encore occupé la place pour laquelle il était censé être aligné.
Dans l’entrejeu, Enric Llansana (1 M€) et Nathan Saliba (2 M€) devaient assurer la succession de Mats Rits et Leander Dendoncker. Plus jeunes, certes, mais pas encore meilleurs. « Ce sont des joueurs de soutien, efficaces quand tout va bien, mais incapables de tirer la charrette », résume un observateur.
S’il y a un point où Renard a marqué positivement, c’est sur le plan financier. Le club a enregistré 43 millions d’euros de recettes grâce aux ventes. En théorie, un bénéfice net.
Plusieurs joueurs bradés
Mais en pratique, la situation est plus nuancée. Plusieurs joueurs clés ont été vendus sous leur valeur réelle : Anders Dreyer (5,5 M€), Francis Amuzu (1,2 M€), Louis Patris (1,75 M€) et Théo Leoni (600 000 €). Seuls Dolberg (12,5 M€) et surtout Simic (21 M€) ont rapporté un prix juste, voire supérieur au marché.
Cependant, ces départs ont laissé des trous béants. Dreyer et Dolberg, les deux principaux atouts offensifs, n’ont pas été remplacés. Résultat : l’équipe de Besnik Hasi manque cruellement de puissance de feu.
En défense, la perte de Simic, pilier du secteur arrière, s’est faite sentir. « Simic valait mieux que Hey », admet-on en interne. Sur le plan sportif, Anderlecht est ressorti affaibli de ces transactions.
35 joueurs
Autre problème : la taille du noyau. L’effectif compte 35 joueurs, un chiffre symptomatique d’une gestion déséquilibrée. En janvier, il faudra trancher. Des départs sont inévitables, et même certains jeunes comme Özcan ou Hatenboer pourraient être prêtés pour obtenir du temps de jeu ailleurs.
Renard peut se targuer d’avoir assuré la prolongation de plusieurs éléments prometteurs : Anas Tajaouart, Mario Stroeykens, Nilson Angulo et Moussa N’Diaye ont prolongé leur bail. « C’est sans doute la meilleure nouvelle de l’année », concède un proche du club.
Cependant, ces joueurs devront rapidement justifier la confiance placée en eux. Le RSCA compte sur leur progression pour générer, à terme, de grosses plus-values. Si Nathan De Cat venait aussi à prolonger, la direction pourrait se féliciter d’avoir sécurisé son avenir local.
Pertes symboliques
En revanche, Théo Leoni n’a pas été retenu et Yari Verschaeren semble sur le départ. Une perte symbolique pour un club qui prône la jeunesse issue de Neerpede.
Mais l’erreur la plus marquante de Renard reste sans doute le changement d’entraîneur. L’éviction de David Hubert et la nomination de Besnik Hasi ont, jusqu’ici, tourné au fiasco. Le RSCA a reculé au classement et n’a jamais trouvé de rythme régulier. « Renard a, pour l’instant, manqué sa cible », constate sobrement un analyste.
Les RSCA Futures, censés incarner le laboratoire de Neerpede, subissent aussi les effets du chantier Renard. En deux mercatos, une dizaine de joueurs étrangers ont été recrutés : Ibrahim Kanaté (1,8 M€), Keusuke Goto (1 M€, option levée), Enzo Sternal (500 000 €), Elyess Dao, Samuel Ntanda (700 000 €), Joël Matadi, Lander Gijsbers, Antwi Da Costa, Pape Ndao, Babutunde Akomotede et Joachim Imbrechts.
Plusieurs jeunes sont partis
Une vague d’arrivées qui interroge, d’autant que Hatenboer et Keita, recrutés pour la première équipe, devraient finalement jouer chez les Futures, faute de niveau suffisant.
En parallèle, plusieurs jeunes ont quitté le navire : Robbie Ure (750 000 €), Amando Lapage (500 000 €) et Ismaël Baouf. Si Lapage peine à s’imposer à Westerlo, Ure et Baouf brillent à l’étranger. Difficile, dès lors, de dire que les recrues actuelles ont impressionné.
Même Romelu Lukaku a exprimé ses réserves : « Neerpede restera toujours ce qui compte le plus pour moi. Ce besoin constant de gagner doit revenir ; on ne peut pas changer ça. Je vois Anderlecht recruter beaucoup de jeunes joueurs en ce moment, mais j'espère que ce ne sera pas au détriment de nos propres talents à Neerpede. »
Mécontentement chez les jeunes
Une déclaration forte, qui illustre un malaise grandissant autour de la philosophie actuelle du club. « On entend déjà des mécontentements dans l’entourage des jeunes », confie un formateur. Pour beaucoup, Neerpede doit redevenir le cœur du projet, et non une vitrine secondaire.
Après douze mois, le verdict est sévère : Renard n’a pas encore convaincu. Aucune de ses recrues ne s’est imposée comme un leader incontestable, et seul Lucas Hey peut être considéré comme titulaire indiscutable. Les autres oscillent entre potentiel et irrégularité.
Le RSCA souffre d’un manque criant de joueurs cadres, capables de porter le groupe dans les moments clés. Pire encore, plusieurs postes essentiels, ailier droit, défenseur central expérimenté, avant-centre, restent sans solution claire.
Sportivement, Anderlecht ne progresse pas
Financièrement, le club affiche un bénéfice, mais cet avantage a été effacé par l’absence de qualification en phase de groupes européenne : 10 millions d’euros envolés. Sportivement, Anderlecht n’a pas progressé. L’équipe est déséquilibrée, la cohésion fragile et le jeu collectif encore trop dépendant d’éclairs individuels.
« Le projet Renard se voulait ambitieux, mais il manque de colonne vertébrale », résume un ancien du club. « On a acheté beaucoup, vendu beaucoup, mais sans vision claire à court terme. »
Tout n’est pas perdu pour autant. Renard reste un dirigeant méthodique, apprécié pour son professionnalisme et son réseau. Plusieurs jeunes ont un vrai potentiel de revente, et les finances du club ne sont pas dans le rouge.
Evaluation
Mais à l’approche de l’hiver, la pression monte. Kenneth Bornauw et Michael Verschueren devraient convoquer Renard pour une évaluation de mi-mandat. Le rapport, lui, risque bien d’être rouge vif.
S’il veut inverser la tendance, Renard devra agir vite : alléger l’effectif, cibler des renforts expérimentés et redonner un cap clair à l’équipe première. Anderlecht reste un club historique, mais l’histoire récente montre que la patience n’y est jamais éternelle.
Un an après son arrivée, Olivier Renard n’a pas échoué, mais il n’a pas encore réussi. Le temps presse, et le RSCA n’a plus droit à l’erreur.
Salomon AGADA